Manoir Thibaudeau (Pointe à Thibaudeau)
Statut juridique
Année de construction
Adresse
Type architecturale
Types de patrimoine
Municipalités
Valeur patrimoniale
Architecte
Histoire
« La maison qui se trouve sur la pointe Thibaudeau est non seulement unique à la grande région de Beauharnois sur le plan architectural, mais elle témoigne également d’une histoire d’un legs familial qui s’étend sur cinq générations. Charles-Séraphin Rodier Jr est l’un des premiers self-made-men du Québec. Fils d’un boulanger, né en 1818, il débute comme menuisier à l’âge de 14 ans. À Montréal, à 18 ans, il est entrepreneur en construction. En 1859, il fonde une fabrique d’instruments aratoires qui vend des moulins à battre le grain. En guise de garantie, il prend des terres en hypothèque tout autour de Montréal. C’est ainsi, selon l’historien Paul-André Linteau que “possédant des hypothèques sur les terres de ses débiteurs et investissant des sommes considérables dans le secteur foncier, Rodier devint le plus grand propriétaire foncier individuel de la région de Montréal”.
Vers 1860, selon son arrière-arrière-petit-fils, Dominique Bellemare, C.-S. Rodier possède déjà plusieurs propriétés à Beauharnois, dont le moulin à farine, le moulin à laine et un hôtel. En 1866, il se porte acquéreur de la pointe Saint-Louis. Lorsqu’on consulte son Grand livre, ou ledger, en anglais, dans lequel il consigne minutieusement toutes ses transactions et ses reçus, on remarque que Rodier entretient un lien particulier avec Beauharnois. Non seulement l’achat de cette immense propriété en témoigne, mais également le volume d’affaires qu’il réalise dans la région. Sur place, son représentant est le gouverneur de la prison et du palais de justice, Jean-Marie Prud’homme, lui-même vendeur attitré du moulin à battre le grain. À chaque vente, l’homme reçoit une commission. Rodier est un des premiers Canadiens-Français à percer le très anglophone monde de la finance montréalaise.
En 1861, il cofonde l’une des premières banques francophones, la Banque Jacques-Cartier. C.-S. Rodier est un fervent catholique, il paie d’ailleurs pour des ornements à la basilique Notre-Dame à Montréal. Conservateur en politique, il est l’ami intime et le confident de Sir George-Étienne Cartier. Il lui demeure fidèle, même lorsque tout le monde se dresse contre les conservateurs qui autorisent la pendaison du chef métis Louis Riel en 1885. Rodier est nommé sénateur deux ans avant sa mort, en 1890. Il laisse une famille de 12 enfants. C’est la cadette de la famille, Éva, qui va développer la pointe Saint-Louis. En 1894, Éva Rodier-Thibaudeau épouse Alfred Thibaudeau, fils du chef de l’Opposition au conseil législatif à Québec, Isidore Thibaudeau. L’année suivante, le couple décide de bâtir sur la pointe Saint-Louis une maison victorienne, alors que la reine Victoria s’apprête à célébrer son jubilé de diamant.
En 1896, Alfred Thibaudeau est nommé sénateur à Ottawa, devenant à 36 ans l’un des plus jeunes sénateurs de son époque. C’est lui qui donnera son nom à la pointe » (Labelle, 2013). « Durant tout le début du 20e siècle, grâce à l’entregent et au dynamisme d’Éva Rodier-Thibaudeau, la maison de Beauharnois sera le rendez-vous incontournable de toutes les personnalités européennes qui débarquent à Montréal. On a peine à y croire aujourd’hui, mais la maison a reçu des écrivains aussi connus qu’Antoine de Saint-Exupéry, l’auteur du Petit Prince ; Paul Claudel, le frère de la sculpteure Camille Claudel ; Marie Noël, Marie LeFranc et le poète québécois Alain Grandbois, ainsi que les philosophes Étienne Gibson et Jacques Maritain. Les personnalités politiques canadiennes et québécoises sont également reçues à la pointe Thibaudeau : les premiers ministres du Canada Wilfrid Laurier, William Lyon Mackenzie King, ceux du Québec Lomer Gouin, Honoré Mercier et, plus récemment en 2010, Bernard Landry.
Particularité : les invités séjournent habituellement plusieurs semaines, voire quelques mois. La maîtresse de la maison y accueille aussi des têtes couronnées comme Zita Habsbourg, impératrice d'Autriche et de Hongrie, et la princesse Juliane de Hollande qui accouche au Canada durant la Seconde guerre mondiale et qui, en signe de reconnaissance, fera parvenir des tulipes en une telle abondance qu'aujourd'hui encore, la Ville d'Ottawa en fait un festival annuel » (Labelle, 2013). « Le plus beau joyau patrimonial (à Beauharnois) consiste en la résidence d'été (architecture éclectique 1895) du sénateur libéral Alfred A. Thibaudeau qui fut le théâtre de réceptions en plein air, réunissant le gratin bourgeois et politique du tournant du siècle dont, entre autres, Sir Wilfrid Laurier » (Source : Laviolette, date inconnue).
Emplacement
« Le territoire d’intérêt historique est situé au centre-ville de Beauharnois, dans le quadrilatère formé par les rues St-Laurent, Beauce, Hannah et St-Louis » (Beauharnois, une place dans l'avenir inc. 1998). Le manoir est implanté sur un vaste terrain boisé, à l'écart de la route 132.
Analyse descriptive
Le courant architectural victorien d’où sont issues ces prestigieuses demeures aux formes très variées a vu le jour durant le règne de la reine Victoria, c’est-à-dire entre 1837 et 1902. En milieu rural, cette propriété appartient habituellement à l’élite locale du village qui, en optant pour une demeure de la sorte, cherche à se distinguer. Leur conception est complexe tandis que leur composition est souvent asymétrique puisque souvent adaptée afin de répondre aux usages spécifiques de leurs propriétaires. Plusieurs recoupements de styles historicistes et de somptueux décors sont mis à contribution afin de rehausser le panache architectural de ces spacieuses constructions et ainsi permettre à ses propriétaires de se distinguer : néoclassique, néogothique, néoroman, Queen-Ann, Arts & Crafts, style château, etc. L’ajout de pignons, tourelles, lucarnes, auvents, portails, balcons, boiseries, sculptures, etc., permet de magnifier le revêtement extérieur de ces bâtiments, mais aussi de les rendre encore plus confortables.
« À Beauharnois, les travaux de ce qui va devenir la maison la plus imposante de la région sont confiés à l’architecte Cajetan L. Dufort (1868-1936) à qui l’on doit notamment la bibliothèque de Maisonneuve (l'hôtel de ville de Maisonneuve) et le Théâtre Corona, à Montréal » (Labelle, 2013).
« Maison à la rencontre du style victorien (les tours et le toit) et du style édouardien (les angles des tours extérieures), la maison a coûté 6000 $ à bâtir en 1895 et ne fut occupée qu’en 1897. Elle se distingue, entre autres, par sa cheminée qui est probablement, selon Dominique Bellemare, la plus haute cheminée résidentielle au Canada, dépassant le toit d’environ 40 pieds » (Labelle, 2013).
- Plan de base rectangulaire
- Toit à pavillon bas
- Revêtement de la toiture : tuiles d'ardoise
- Beaucoup de détails architecturaux et saillies
- Deux très hautes cheminées en brique ouvragées
- Les fondations en pierre sont visibles.
Chiasson, Christian. 1984. "Inventaire et classification du patrimoine architectural de la municipalité régionale de comté de Beauharnois-Salaberry". M.R.C. De Beauharnois-Salaberry.
Labelle, Marcel. 2013. « Beauharnois, 150 ans ensemble : l’histoire de la Ville de Beauharnois / Beauharnois, 150 ans ensemble, 1863-2013 ». [Beauharnois] : Ville de Beauharnois, 427 p.
Laviolette, Luc. Date inconnue. « Bref historique de Beauharnois ». Société nationale d’histoire de Beauharnois.
Site internet Atelier d'Histoire Mercier Hochelaga Maisonneuve (consulté le 12 juillet 2015)